12 obstacles majeurs au développement des technologies de l’information en Haïti

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L’adoption des TIC doit aller au-delà de simples slogans. Elle nécessite l’engagement clair des acteurs.
La contribution des technologies de l’information et de la communication (TIC) au processus de développement social et économique est au centre de toutes les réflexions stratégiques de développement. Elles jouent un rôle fondamental dans la croissance d’une institution, qu’elle soit publique ou privée. Elles sont des leviers essentiels pour promouvoir la compétitivité économique et le développement social. L’utilisation des outils technologiques a changé bien des choses dans la vie de l’homme contemporain. Le caractère ouvert de l’internet depuis sa fondation, basé sur le partage, lui a permis de s’étendre comme l’un des principaux vecteurs de développement économique, social, culturel et politique. L’internet participe à la formation citoyenne des populations. Il facilite l’accès à l’information et favorise l’implication des citoyens dans la gestion des affaires publiques.
Depuis des années, malgré les initiatives et les efforts tant du secteur public que du secteur privé, Haïti reste à la traine dans le secteur des technologies de l’information. Les pays de la région ont embrassé les technologies comme vecteur de développement des autres secteurs. Ils ont agi sur tout l’écosystème numérique afin d’arriver à des résultats structurants.
Chez nous, les initiatives ne manquent pas. Il manque une véritable politique publique qui intègre tous les acteurs de l’univers numérique. Cet univers doit être vu comme un écosystème. Les parties prenantes doivent s’associer de manière responsable et consensuelle à la mise en oeuvre d’une stratégie numérique commune. L’Etat, le secteur privé, la société civile et l’université doivent s’impliquer dans cette transition numérique qui consiste à supprimer les tâches pénibles, simplifier les procédures et éliminer les goulots d’étranglement au sein des institutions publiques et privées. L’adoption des TIC doit aller au-delà de simples slogans. Elle nécessite l’engagement clair des acteurs.
Initiatives numériques 
L’écosystème numérique commence à prendre forme par l’engagement des différents acteurs du secteur des technologiques. La foire Infotel Expo de Group Croissance fut les premières manifestations de promotion des outils technologiques et de l’Internet en Haïti. Cette activité organisée dans les différentes villes du pays, assurait une large vulgarisation de l’internet en Haïti. E2Tech, organisée par AHTIC, l’Association haïtienne pour le développement des technologies de l’information et de la communication, cette initiative fut une grande foire technologique qui visait la promotion et la vulgarisation des technologies de l’information et de la communication, mais aussi les technologies de l’énergie et de l’environnement et à exposer les principaux enjeux et opportunités découlant de ces technologies. Haiti Numérique 2030, HN2030 est un événement technologique qui vise à positionner Haïti parmi les pays émergents dynamiques dans les technologies de l’information et de la communication. Haiti Tech Summit, la première édition du sommet a eu lieu en 2017. Elle a regroupé des intervenants des grandes sociétés américaines de la Californie, telles que Google, Facebook Aibnb, PayPal etc.. Ce sommet vise à revitaliser l’économie entrepreneuriale d’Haïti dans le secteur numérique. SIFNU, le Sommet des femmes du numérique est organisé par la Chambre de commerce des femmes entrepreneurs qui vise à discuter des sujets clés de la technologie numérique dans le contexte des femmes entrepreneurs haïtiennes. Fintech Haiti, un événement organisé dans le but de réunir des leaders du monde financier et des affaires et des membres de l’écosystème du secteur technologique haïtien. Haiti Hack Fest, un hackathon organisé par le groupe Echo.
12 obstacles majeurs au développement des technologies de l’information en Haïti
1.- Absence de lois adaptées et de règlements
La loi cadre qui régit le secteur des télécommunications date de 1977, à un moment où Haïti faisait face à la dictature. La liberté d’expression, la vie privée, tous ces facteurs de participation citoyenne étaient très limités. Ce texte est dépassé et ne tient pas compte des progrès technologiques et des nouveaux services offerts aux citoyens. Le cadre juridique est très pauvre en lois et en règlements adaptés au développement du secteur.
Aucun développement du numérique n’est possible sans un cadre légal et réglementaire adéquat, adapté à la société de l’information. Il doit poser la base d’une société numérique viable, sécurisée, inclusive et en harmonie avec l’environnement juridique régional et international. Sans l’adoption d’un ensemble de lois visant le développement et le renforcement de (tout) l’écosystème numérique, on n’arrivera pas réellement à une véritable transformation numérique.
2.- Energie
L’énergie, en particulier l’électricité constitue l’un des défis majeurs au développement du numérique en Haïti. Selon les estimations de la banque mondiale publiées dans son rapport intitulé : « Les villes haïtiennes : des actions pour aujourd’hui avec un regard sur demain », seuls 37.9% des ménages haïtiens avaient accès à l’électricité en 2014, alors que la République dominicaine avoisine un taux de couverture de 99% et la région Amérique latine et Caraïbes, affiche une moyenne de 96%. Haïti figure parmi les pays avec le plus faible taux de couverture au monde, même si le taux de couverture dans les zones urbaines est supérieur à 50 %, toujours selon la Banque mondiale.
3.- Manque d’infrastructures
Les infrastructures sont l’obstacle le plus flagrant au progrès social et une bonne performance économique en Haïti. Selon le rapport du world economic forum (WEF 2014) « une infrastructure étendue et efficace est essentielle pour assurer le bon fonctionnement de l’économie, car elle est un facteur important dans la détermination de la localisation de l’activité économique et les types d’activités ou de secteurs qui peuvent se développer dans un pays ». Elles aident à offrir des services de qualité aux usagés, sans discrimination géographique. Les infrastructures technologiques offrent un gain de productivité et de compétitivité à travers le management des institutions. Une entreprise connectée offre de meilleurs services à ses clients et fait augmenter ses revenus. Les infrastructures technologiques réduisent les facteurs “temps” et “distance” afin d’apporter des réponses rapides, en temps réel.
Les infrastructures de transports et technologiques sont le 9e des 17 objectifs de développement du durable à l’horizon 2030 fixés par les Nations Unies afin d’encourager l’innovation. Elles sont essentielles pour parvenir au développement durable et à l’autonomisation des communautés. A l’heure actuelle, 8,000km de fibres optiques sont déployés sur l’étendue des 27,700km2 du pays. Les besoins en infrastructures de communications modernes sont de plus en plus criants. Selon le rapport 2016 de l’OCDE sur la mesure de maturité numérique des pays, un index via le Global Information Technology Report, Haiti est classée 137e sur 139 pays avec un score de 2.5 sur 7.
Les choix montrent que les infrastructures technologiques ne sont pas encore considérées comme une priorité, comme un véritable levier de développement économique.
4.- Absence d’une politique publique
L’un des obstacles est le choix d’intervenir sur les problèmes de manière superficielle et non structurelle. C’est-à-dire l’argument qui veut que les priorités sont les problèmes sociaux de base (éducation, santé, eau potable, nourriture, infrastructures routières etc..) auxquels font face la population. En effet, pour résoudre certains problèmes sociaux, les technologies de l’information peuvent jouer un rôle principal. Une vision claire, partagée par les acteurs sur le rôle des TIC dans le développement doit s’accompagner d’actions et d’engagements concrets.
5.- Manque d’investissements 
Les TIC sont le facteur structurant stimulant la croissance des autres secteurs. Des investissements nécessaires dans ce secteur permettront d’en saisir les opportunités. Les investissements étrangers dans le secteur numérique sont très minces pour une population d’environs onze (11) millions d’habitants. Il convient de s’assurer que l’environnement juridico-réglementaire adéquat est en place pour encourager une concurrence loyale et rassurer les investisseurs privés potentiels.
6.- Coût des services
Haïti figure parmi les pays ayant le coût d’accès au service mobile large bande le plus élevé, selon le rapport “measuring the information society” de l’Union Internationale des Télécommunications (UIT) publié en 2016. Les infrastructures sont à la traîne. Selon les estimations, un forfait Internet de 500Mb sur téléphone mobile coûte environ 34% du Revenu National Brut par habitant, soit l’un des pourcentages les plus élevés du monde pour un forfait de base de ce type (measuring the information society, 2014).
7.- Accès aux services
Les services de haut débit sont fortement concentrés à Port-au-Prince et restent très limités aux principales zones urbaines. Ils ne sont pas de qualité optimale. Il n’existe à date, aucun plan d’aménagement numérique du territoire pour assurer le renforcement des capacités locales et le développement économique des collectivités, la disponibilité d’un service de qualité aux administrés, la réduction des inégalités par rapport à d’autres entités territoriales concurrentes. L’aménagement numérique du territoire consiste en l’adaptation des infrastructures aux besoins immédiats et futurs prévisibles.
8.- Absence de services en ligne
Quelles sont les institutions publiques ou privées qui offrent des services en ligne? Selon les statistiques, environs 2 millions de personnes ont accès à un téléphone intelligent dont plus de 25% sont de marque Samsung, 24,55% ZTE, et Apple 5,51%. Quels sont les services disponibles pour un outil qui coûte entre $USD 300 et $UDS 800 ou plus, si ce n’est qu’utiliser ses fonctionnalités de base, comme placer des appels, envoyer un message, consulter son compte bancaire etc… A part certaines ambassades, des banques, la Direction générale des impôts (DGI) qui vient de lancer une plateforme de paiement de taxes en ligne et l’Office d’Assurance Véhicules Contre Tiers (OAVCT), les institutions publiques et privées n’offrent pas de services en ligne. D’ailleurs, rares sont les institutions qui ont leur site Internet à jour.
9.- Faible pouvoir d’achat
Avec un produit intérieur brut par habitant de $USD 805 en 2018, Haiti figure parmi les 20 pays les plus pauvres de la planète. D’après une enquête de la Banque Mondiale auprès des ménages (2012), plus de 6 millions d’Haïtiens, sur une population totale de 10,4 millions (soit 59 %), vivent sous le seuil de pauvreté, fixé à 2,41 dollars par jour, et plus de 2,5 millions (24 %) sous le seuil de pauvreté extrême (1,23 dollar par jour).
10.- Manque d’innovation
L’innovation technologique suit une course vertigineuse. La formation et l’innovation constituent les moteurs de croissance et de développement de nouveaux services. Nicolas Hulot, ministre de la transition écologique de France à déclaré lors de son discours à l’Assemblée nationale en octobre 2017 : “Un ami africain me faisait remarquer que quand les hommes sont passés de l’âge de pierre à l’âge de fer, ce n’était pas parce qu’il n’y avait plus de pierre, c’est parce que c’était mieux”. Haïti ne doit pas copier des solutions avec des modèles économiques venus d’ailleurs. Les technologies doivent à apporter des solutions liées aux problèmes de la communauté.

11.- Absence d’une autorité de gouvernance numérique
Il n’existe pas une institution qui met en oeuvre la vision du gouvernement ou qui donne le ton en matière du numérique en Haïti. La gouvernance numérique (GN) est le rapport, le mode de relations entre les différentes parties prenantes. Elle consiste à définir les responsabilités et de créer un cadre harmonieux afin de favoriser les prises de décision dans le domaine du numérique. La GN implique la gestion des ressources, l’élaboration et l’exécution d’un plan d’action intégré. La gouvernance est le support d’une stratégie. Les moyens étant limités, les priorités doivent être bien définies afin d’éviter la multiplication d’actions et d’activités ponctuelles et non structurantes.
12.- Manque d’éducation et de culture numérique
L’homme est généralement réfractaire aux changements. Si la population haïtienne est composée de plus 65% de jeunes âgés entre 15 et 35 ans, au niveau de l’administration publique 24% de fonctionnaires sont âgés de moins de 35 ans et 36% entre 35 et 44 ans, selon le rapport de recensement des agents de la fonction publique. Pour faire le saut vers le numérique, le développement du capital humain apte à assurer ce changement est essentiel.
La culture numérique fait référence aux changements culturels produits par les développements et la diffusion des technologies numériques et en particulier d’Internet et du web. Une conception anthropologique et sociologique, dans la lignée de Tylor (1871) définit la culture comme « ce tout complexe qui comprend le savoir, la croyance, l’art, la morale, le droit, les coutumes, et toutes les autres capacités et habitudes acquises par un homme comme membre d’une société». Le citoyen haïtien ne sent pas en confiance dans l’espace virtuel, alors que le monde tourne vers la dématérialisation et la mobilité. La dématérialisation de la monnaie, des services etc…L’accès aux outils technologiques est très faible dans les foyers. Le citoyen, la citoyenne de demain doit avoir accès au numérique dès son plus jeune âge.
JMA