Plus de la moitié des 4.59 millions de personnes qui ont accès à internet en Haïti ont un compte actif sur les réseaux sociaux, selon les données recueillies dans le Global Digital Reports. L’accès croissant aux technologies numériques, à l’internet et aux réseaux sociaux en Haïti ont transformé la manière dont les gens interagissent, se divertissent et s’informent. Cependant, ces outils, souvent mal exploités, entraînent des défis majeurs, notamment la prolifération de contenus inappropriés, de « fake news », et la cybercriminalité, entre autres.
En Haïti, l’absence d’une régulation, combinée à un manque de responsabilité numérique, a conduit à une augmentation accrue d’abus et d’autres formes de comportements dangereux en ligne. Des images et vidéos explicites mettant en scène des jeunes dans des situations compromettantes circulent dans les groupes et sur les plateformes à longueur de journée. Les incidents de cyberharcèlement caractérisés par l’utilisation abusive et malveillantes des technologies numériques pour harceler, menacer, intimider ou nuire à une personne, sont de plus en plus répandus dans le cyberespace haïtien. Des jeunes filles particulièrement sont souvent la cible de menaces, d’insultes, d’injures, de commentaires humiliants. Ce phénomène est un problème très préoccupant, contribuant non seulement à la stigmatisation des victimes, mais la banalisation de la violence envers les femmes. Même des mineurs ne sont pas épargnés.
Il existe un vide juridique et une absence de mécanismes de protection efficace contre les abus dans l’espace numérique haïtien. Les auteurs de ces actes, sans être inquiétés, restent souvent impunis, laissant les victimes sans recours. Un cadre légal adapté et la sensibilisation aux dangers, nécessitent une approche globale et coordonnée pour créer un environnement digital plus sain en Haïti. Cela implique l’engagement des autorités publiques, institutions privées et la société civile, à développer des programmes éducatifs adaptés favorisant un comportement éthique en ligne.
Le Canada se penche sur la régulation des contenus problématiques en ligne
Le gouvernement fédéral canadien a déposé le 26 février 2024, un projet de loi sur les contenus préjudiciables en ligne qui vise la création d’un espace en ligne plus sécuritaire pour la société canadienne, particulièrement pour les plus jeunes. « Nous devons faire un meilleur travail en tant que société pour protéger nos jeunes en ligne, de la même manière que nous les protégeons dans les cours d’école, dans nos communautés et dans les maisons de tout le pays », a ainsi affirmé le Premier ministre canadien, Justin Trudeau.
Des jeunes : victimes de du complexe d’Érostrate
Les jeunes maîtrisent les outils numériques, mais pas toujours les règles. Leur désir d’intégration sociale les pousse à négliger les risques, les exposant à des dangers qu’une éducation numérique adéquate pourrait prévenir. Certains négligent l’aspect de la responsabilité numérique qui fait référence à l’utilisation des technologies numériques de manière appropriée et constructive pour soi-même et pour les autres. La quête de notoriété pousse certains jeunes à des actes désespérés, à l’image d’Érostrate qui, dans l’antiquité, avait mis le feu au temple d’Artémis dans l’unique espoir d’être connu. Les réseaux sociaux, sans être la cause, ont amplifié cette soif de célébrité.
Conclusion
Les plateformes numériques constituent des vecteurs de désinformation et de promotion de propos haineux. Selon les Nations Unies, les abus et l’exploitation sexuels en ligne restent la menace la plus alarmante chez les enfants et les jeunes. « Il n’a jamais été aussi facile pour les agresseurs sexuels d’enfants de contacter leurs victimes potentielles, de partager des images et d’encourager d’autres personnes à commettre des abus. Quelques 80 % d’enfants dans 25 pays ont affirmé se sentir en danger d’abus ou d’exploitation sexuels en ligne. »
Il n’y a pas de données statistiques sur l’impact néfaste des réseaux sociaux sur les jeunes en Haïti. Cependant, les dérives sexistes sont multiples et les jeunes femmes sont les victimes les plus privilégiées. Ces comportements ont pour conséquences, l’anxiété, la dépression, et peuvent amener à une baisse de l’estime et de la confiance en soi, selon des spécialistes de santé mentale.
L’amélioration de l’environnement en ligne en Haïti est une responsabilité partagée. Il est urgent de mettre en place des réglementations claires et efficaces impliquant tous les acteurs pour protéger les utilisateurs, notamment les femmes et les enfants, contre les contenus portant atteinte à leur dignité, leur intégrité et leur identité. Les parties prenantes doivent se mobiliser autour d’une stratégie commune pour garantir un espace numérique sûr et bénéfique, où les opportunités l’emportent sur les risques, et où les droits fondamentaux de chaque utilisateur sont garantis.
Références
La Rédaction (2024). In Cyber News. Canada : une loi fédérale va réguler l’accès aux contenus problématiques en ligne. https://incyber.org/article/canada-une-loi-federale-va-reguler-lacces-aux-contenus-problematiques-en-ligne/
Nations Unies. Sécurité en ligne des enfants et des jeunes. https://www.un.org/fr/global-issues/child-and-youth-safety-online
Jean Marie Altema, Ing. et MBA
Spécialiste en technologies numériques