#UnFollowJovenelMoise, Jovenel Moïse doit-il s’inquiéter ?

Partager

Twitter, un terrain propice

L’internet et les réseaux sociaux sont un canal d’expression, de revendication et de mobilisation populaire, du moins pour ceux qui en ont accès. Les réseaux sociaux sont devenus presqu’incontournables dans la vie de ceux et celles qui désirent s’informer. La rapidité avec laquelle les informations sont diffusées et l’efficacité de leur promotion en font l’une de leur force. Ils favorisent l’échange et la participation citoyenne dans la chose publique. Ils ont bousculé la façon dont les médias traditionnels diffusent de l’information. Etudiants, professionnels, hommes d’affaires, la soif de s’engager n’épargne personne. Avec les réseaux sociaux, la communication devient interactive. Ils sont devenus des outils extrêmement puissants. 

Créé en 2006, Twitter est parmi le top des plateformes utilisées par les hommes et femmes politiques. Il permet la publication antéchronologique de messages ne dépassant pas les 280 caractères. Twitter devient depuis quelques temps “the place to be”, un terrain où se retrouvent des artistes, des personnalités publiques, des journalistes et aussi des citoyens « ordinaires ». C’est le lieu par “excellence” pour découvrir les derniers buzz, les échanges houleux entre politiciens et surtout les revendications des citoyens. Tout y est dit, redit, vu, revu et décrypté de manière scrupuleuse. Le 11 juin dernier, des jeunes “petrochallengers” ont lancé sur cette plateforme le hashtag “UnfollowJovenelMoise”, une façon pour eux de signifier leur désaccord avec le président Jovenel Moïse. Entre le 11 et le 14 juin, Jovenel Moïse a perdu 9,850 de ses 213,471 “followers”. 

Jovenel Moïse doit-il s’inquiéter ?

Les personnalités sur les réseaux sociaux qui détiennent un nombre important de followers sont des influencers. Elles servent de relais d’opinion. Le marketing politique considère l’homme ou la femme politique comme un produit, une marque. Son principal objectif n’est autre que répondre aux attentes des consommateurs-électeurs. La chute de la marque est celle de son identité, du “brand”. Jovenel Moïse est suivi par des citoyens haïtiens et aussi des personnalités étrangères. Sans analyser ses effets dans la vie réelle, une telle campagne peut nuire à son identité virtuelle. Elle s’attaque à son image dans l’opinion. “UnfollowJovenelMoise” peut transformer les opinions contre Jovenel Moïse. Si les paroles s’envolent, les écrits restent, se dupliquent et se répandent à un rythme vertigineux sur le net. Ils dépassent les frontières.

Perdre 4% de ses followers en seulement 3 jours est alarmant. Le succès du hashtag peut être une source de motivation aux initiateurs pour lancer d’autres challenges. 

Cependant, cette campagne peut aussi faire augmenter la présence de Jovenel Moïse dans l’opinion. On parle de lui, d’une manière ou d’une autre. Il y a des gens qui se sont désabonnés de son compte Twitter, mais qui s’engagent, dans le contexte des réseaux sociaux, par leur vue ou leur réponse à ses tweets. On peut se souvenir de la campagne de boycott lancée en septembre 2018 contre Nike sur les réseaux sociaux, pour avoir signer un contrat de publicité avec le footballeur américain Colin Kaepernick? Pour manifester leurs désaccords avec la marque, des internautes avaient lancé le hashtag #NikeBoycott. Ils avaient publié des photos et des vidéos d’eux détruisant des vêtements et des chaussures Nike. Cependant, la pub de Colin avait fait exploser les ventes de Nike, malgré l’appel au boycott. Toutefois, le produit doit répondre aux besoins des consommateurs qui seuls peuvent évaluer l’impact de la pub (marketing mix).

Tableau statistique des followers de @moisejovenel sur Twitter

Le public de Twitter développe une certaine créativité

Le public sur Twitter sait majoritairement s’exprimer. Il a une certaine capacité d’analyse, de créativité et développe un certain niveau de compétence. Ce sont pour la plupart des jeunes techniciens, des universitaires, des professionnels et des hommes d’affaires. Cette campagne lancée par les “petrochallengers” nous montre que la “bataille” se joue tant sur le macadam que sur les réseaux sociaux.

La visibilité en ligne devient un enjeu politique crucial. Les réseaux sociaux accordent une voix à des catégories qui étaient autrefois sans voix ou ne voulaient pas s’impliquer dans la chose publique (res publica). Ils bousculent tout, les normes, les règles de participation. Ces plateformes gardent tout et n’oublie absolument rien. Elles ont permis l’emergence de nouvelles formes d’expression et d’action collective. Elles réunissent des acteurs aux agendas contradictoires. Si des personnalités publiques, conscientes de l’importance des réseaux sociaux, ont investi l’espace numérique notamment à des fins de marketing et de propagande politique, certains politiciens sont inscrits sur Twitter juste parce que ça fait moderne, mais ne savent même pas pourquoi ils y sont. L’usage de ces outils modernes de communication fait appel à des stratégies et techniques poussées afin de mieux les exploiter.